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Jérôme, l’aventurier discret.
Un jour, il m’a envoyé un texto dans lequel il écrivait :
- « J’ai fait une balade sympa ».
Connaissant l’animal, je lui ai répondu :
- « Qu’appelles-tu une balade sympa ? ».
J’ai alors reçu une photo du camp de base de l’Everest. Hilare, je lui ai écrit :
- « Certains appellent cela des expéditions ».
Il est comme cela Jérôme : un aventurier discret … et modeste.
Nous nous sommes rencontrés à Dakar en 2003, grâce à un ami commun, Christophe.
Christophe, c’était un autre de ces aventuriers anonymes. Il avait fait le tour de l’Afrique en 1998, traversant le Congo et l’Angola alors en guerre. Jérôme et lui s’étaient rencontrés non loin de la frontière du Niger que Christophe avait passée clandestinement faute de visa. Jérôme était alors le précepteur des enfants du Président. Il perdit son job quelques mois plus tard lors d’un coup d’Etat. Enfin je crois, je ne suis plus trop sûr. De toute manière les coups d’Etat en Afrique c’est presque banal.
Donc en avril 2003, j’étais à Dakar, lorsque Christophe m’envoya un mail m’avertissant de l’arrivée de Jérôme, qui avait décidé de faire une grande balade en Afrique à moto. Mais à la différence de moi, il connaissait déjà parfaitement ce continent. Après avoir perdu son job de précepteur, il exerçait l’un de ces métiers improbables, que seule l’Afrique peut offrir : il était « project manager » pour une compagnie de relevés géophysiques aéroportés. En clair, il passait son temps en brousse à gérer des équipes chargées de quadriller des zones en avion afin de détecter des zones susceptibles de contenir des minerais.
J’avais beau être de 10 ans son ainé, je fus son Padawan : il m’enseigna l’art de la conduite sur piste. Sans lui, j’ignore si j’aurais été en mesure de continuer mon voyage.
Arrivé à Bamako alors que je le remerciais de sa patience envers moi, il me répondit :
- « Tu sais, les galères en Afrique, je connais. Par contre, je te félicite pour ta pugnacité. Avec le nombre de chutes que tu as fait, moi j’aurais fait demi-tour ».
Nous avons continué la route ensemble jusqu’à Yaoundé, d’où il dut repartir en mission.
Les années qui suivirent, nous nous sommes revus de loin en loin. Parfois, je lui téléphonais. Il me répondait depuis des endroits tous plus improbables les uns que les autres : l’Alaska, juste avant de prendre un vol en hélicoptère ou encore le Gabon sur le point d’embarquer dans l’avion du président Bongo. Un jour, alors qu’il avait 5 jours de libres, il a payé un guide pour l’amener voir les éléphants au fin fond de la jungle au sud-est du Cameroun. A pied bien entendu. Le trajet, aller-retour prenait normalement 9 jours aller-retour. Ils l’ont fait en 5, à marche forcée. Comme il me l’a confié : c’était physique.
Puis, en décembre 2014, il est reparti sur les routes, mais cette fois à vélo. Son voyage a duré 2 ans et l’a mené jusqu’au Japon. Il a affronté seul et à vélo des cols enneigés culminants à 4800 m. Il a médité en compagnie de moines dans des monastères au Népal et au Japon. Il est resté coincé quelques jours dans le no man’s land entre l’Uzbekistan et le Tadjikistan. Il faut dire qu’il s’était présenté à la douane le 2 aout… alors que son visa ne commençait que le 5 aout.
Puis en décembre 2016, il est revenu. A 45 ans, il a alors décidé de passer le concours d’infirmier qu’il a réussi brillamment quelques mois plus tard. Puis, comme il avait du temps, il est reparti sur les routes à vélo faire le tour de France. Il y a deux jours nous avons fait un apéro virtuel lui et moi. Il aura officiellement son diplôme d’infirmier dans quelques mois. En attendant, il fait partie du personnel réquisitionné pour lutter contre le Covid. Tous les jours, il est au front. En toute discrétion… comme à son habitude.
Voilà, qui est Jérôme. Un pote, un mec hors norme, un exemple.
Bon, je crois qu’il va me tuer en lisant ce post. Il n’aime pas que l’on parle de lui.
Pardon
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