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Baptiste et moi avons rencontré Juan dans une Guest house située dans le village de Tomboliya au sud-est de la Guinée. Lorsque nous sommes arrivés, il lisait tranquillement assis sur une chaise. Il était alors le seul client et nous avons assez vite engagé la conversation. Il venait de Córdoba en Argentine et avait entrepris de traverser l’Afrique à vélo. Photographe de profession, il transportait 6 kg de matériel. Je me souviens de ses photos d’alors. Essentiellement des scènes champêtres prises au téléobjectif. Les images étaient magnifiques, mais il m’avait avoué de ne pas oser prendre de photo de près par peur de la réaction de gens. Pourtant il parlait le français, certes avec un accent assez prononcé. Mais il appréhendait d’aborder les gens. Cela le frustrait.
Nous l’avons revu quelques jours après à Conakry. Baptiste et lui sont partis visiter une ile en face de la ville de Conakry. A peu près du même âge, ils s’entendaient bien.
Pour ma part, je me souviens surtout de notre troisième rencontre. C’était en brousse, un peu avant d’aborder ce que l’on appelle la Guinée forestière. Ce jour-là, comme toujours je décide de prendre les chemins de traverse et pensant prendre un raccourci, je me retrouve dans un cul-de-sac. Je fais donc fait demi-tour afin de rejoindre la piste principale et rattraper Baptiste. Quelques kilomètres plus loin, j’aperçois un attroupement avec au centre la moto de Baptiste. Je m’arrête et là, non sans surprise je me retrouve face à Juan. Baptiste – toujours en manque de bricolage – était en train de lui réparer son réchaud. Nous avons déjeuné ensemble un peu plus loin sous un arbre. La chaleur était suffocante. Puis, Baptiste et moi avons volontairement écourté l’étape du jour afin de lui laisser le temps de nous rejoindre pour le bivouac du soir près d’une rivière.
Par la suite, nous nous sommes parlé à plusieurs reprises sur WhatsApp et par deux fois avons raté l’opportunité de nous revoir. La première en Côte d’Ivoire. Il venait du Nord vers le Sud. Je cheminais en sens inverse. Mais l’attrait d’une piste oubliée me fit bifurquer prématurément vers le Ghana renonçant du coup à nos retrouvailles. Quelques semaines plus tard, nous nous sommes aperçus trop tard que nous étions en même temps à Cotonou. Le dernier message qu’il m’a adressé date du 22 juillet. Occupé, j’ai omis d’y répondre. Je ne savais pas alors que je n’aurais plus l’occasion de le faire.
Il y a deux jours, alors que je parcourais distraitement les messages d’un groupe de discussion de cyclistes voyageurs en Afrique de l’Ouest, mon regard s’est arrêté sur l’annonce d’un accident mortel d’un cycliste au Nigéria. J’ai mis un long instant avant de comprendre. Le cycliste, c’était Juan, mort fauché par une voiture. J’avoue avoir accusé le coup : non, pas Juan, ce n’est pas possible.
Sur Instagram, où je suivais son travail, j’avais noté, non sans plaisir, qu’il osait enfin photographier les gens de près. Il était de la race des véritables voyageurs, et malgré, ou grâce à, peut-être, la lenteur de son moyen de transport, il ne se contentait pas de traverser l’Afrique. Son itinéraire, tout en circonvolution serpentait paresseusement au milieu de l’Afrique de l’Ouest allant de village en village, de rencontres en rencontres. Nul doute à cela : Juan faisait corps avec l’Afrique.
C’était un vrai chic type. Un véritable voyageur. Ses dernières photos sur Instagram ont été prise au Nord du Bénin chez Alphonse et Adeline où je lui avais recommandé de s’arrêter.
Par ce petit texte, j’adresse mes condoléances à sa maman, Carmen, ainsi qu’à sa sœur Paula et ses frères Marcos et Tomas.
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