Uzbekistan

Le syndrome de la girafe

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“Des p’tits trous, des p’tits trous, toujours des p’tits trous
Des trous d’seconde classe
Des trous d’première classe”

 

Le soir, c’est bien connu, c’est l’heure où les animaux vont boire. Ils se rendent tous près du point d’eau et chacun leur tour se désaltèrent.

Ce soir-là, il était temps pour moi de trouver un endroit où camper. J’étais en route pour Tashkent depuis Osh, mais j’avais passé la frontière un peu tard et J’avais le soleil dans les yeux. Je n’aime pas rouler le soleil dans les yeux. J’ai le souvenir étant enfant, d’un âne que mon père, aveuglé par le soleil, avait évité de justesse. Il avait néanmoins percuté l’énorme fagot de bois que le pauvre baudet transportait. Donc, il était temps pour moi de trouver un endroit pour y planter ma tente. J’avise un petit chemin de terre qui longe la route principal et je m’y engage tranquillement, mirant à droite et à gauche un endroit propice. Soudain, prise d’une soif inextinguible, Utopia s’arrête net au point d’eau dans la position de la girafe : cul en l’air, tête en bas. Je manque de faire un soleil.

De fait, un traitre trou caché par les herbes vient de prendre Utopia au piège, la roue avant irrémédiablement enfoncé dans le trou susnommé. J’essaye, en vain de l’en extirper. Las, elle ne fait que s’enfoncer davantage. C’est qu’elle est lourde la garce. Dans ce genre de situation, une fois le danger immédiat écarté, il convient d’agir posément et sans stress. J’ai une petite pensée pour certains de mes anciens collègues qui dans certaines situations mettent la pression sur leurs subordonnés afin qu’ils aillent plus vite. En général, le résultat est désastreux. J’appelle, cela la chaîne du stress, et au final celui qui est au bout de la chaîne finit toujours par faire une erreur. Le résultat est bien souvent à l’encontre de l’objectif initialement recherché. Dans le milieu de l’entreprise, cela se traduit, au pire par une perte   d’argent et l’énervement subséquent de la chaine hiérarchique. En situation de voyage solitaire, la précipitation et le stress sont facteurs d’accidents, et peuvent déboucher une situation pouvant être critique.

Dans le cas présent, je décide donc qu’il est urgent d’attendre. Je sécurise simplement Utopia : je coupe l’arrivé d’essence, m’assure de l’absence de fuite et fais en sorte qu’elle ne s’appuie que le moins possible latéralement sur la fourche afin d’éviter qu’elle ne se torde.

Une fois ceci fait, j’entame la préparation de la popote du soir et monte ma tente. Demain est un autre jour.

Le lendemain, nul lutin ou troll des forêts n’est venu tirer Utopia du trou où elle s’est fourrée (toute seule, comme une grande, étant entendu que je n’ai nulle responsabilité dans ce fâcheux incident).

Dans ce genre de situation, il y a 4 solutions :

  1. Intelligemment, vous avez choisi une moto légère pour ce voyage en solitaire, qu’il vous est possible de déplacer seul.
  2. Vous avez, précédemment au voyage, pratiqué quelques années de musculation en salle, et 300 kg à soulever, n’est pour vous qu’une bagatelle.
  3. Courageusement, vous marchez jusqu’à trouver de l’aide
  4. Vous vous démerdez seul …

 

Si vous décidez d’adopter la 4èmesolution, et à défaut d’avoir préalablement adopté l’une des deux premières stratégies, c’est le moment idéal d’utiliser vos méninges.

Déjà la belle est trop lourde. Il faut commencer par l’alléger et donc la déshabiller : bagages bien entendu, mais également selle et réservoir. Bref, il faut enlever tout ce qui peut l’être.

Une fois fait, soit vous pouvez la soulever…soit pas. Il faut alors regarder ce que vous avez à disposition pour aider. Dans mon cas, j’avais une sangle à cliquer. Je me suis alors souvenu de la manière dont le maréchal-ferrant tient le sabot du cheval pour éviter de se casser le dos. Et si je faisais pareil ? Aussitôt dit, aussitôt fait : j’attache la fourche avec la sangle et me la passe derrière le dos. En deux temps, trois mouvements, Utopia est sur ses deux roues. Petite astuce : passer une vitesse, de manière à pouvoir se ménager des temps de repos en embrayant.

 

 

 

 

 

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7 Comments

  • Reply Pascal Bouche 21 novembre 2018 at 22 h 54 min

    T’as rebouché le trou ?

  • Reply Bouche 27 octobre 2018 at 21 h 07 min

    Zen et astucieux le JJ !

  • Reply Herve Savary 26 octobre 2018 at 9 h 01 min

    Pufff… il n’y a pas de détecteur de trou sur cette belle machine ? a vitesse élevée ca aurait pu etre la correctionnelle…… bon courage… et de belles aventures..

  • Reply Karine 25 octobre 2018 at 19 h 39 min

    Salutti … toujours aussi romanesque … encore encore encore …

  • Reply jérôme 25 octobre 2018 at 11 h 32 min

    Ah quand même ?!?
    Quand tu dis «  il y avait un trou », il y avait vraiment un gros trou !
    En tout cas bien joué et surtout merci pour le récit bon courage et bonne route

  • Reply COTTERELLE Luc 25 octobre 2018 at 9 h 08 min

    J’adore !!!

  • Reply mobylette rollers 25 octobre 2018 at 8 h 33 min

    Bien plantée quand même, ça a du te faire tout drôle !! 🙂
    Merci pour les nouvelles !
    Enjoy 🙂

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