Une journée ordinaire.
Tout commence par un drôle de bruit dehors. Le soleil vient à peine de se lever. J’entrouvre la tente, et là, à quelques mètres à peine, un magnifique chameau, enfin un dromadaire plutôt, qui, alerté par le zip de la fermeture éclair, me regarde. J’ai à peine le temps de saisir l’appareil photo que déjà il est parti.
Puisque ce fichu quadrupède m’a réveillé, autant me lever. Pour une fois, peut-être arriverais-je à partir tôt. Cela me permettrai de faire une belle étape. Premier constat : il va me falloir tout nettoyer : Il y a eu une tempête de sable cette nuit, et toutes mes affaires en sont recouverte, y compris dans la tente : duvet, blouson, casques, tout est jaune.
Mais avant tout le café. C’est le plus important pour bien commencer la journée. L’eau est en train de bouillir lorsque je vois apparaître un pick-up surgit de nul part. A l’intérieur, je distingue deux hommes, et un troisième debout sur la plateforme arrière du véhicule. Le chauffeur s’arrête et descend et viens vers moi. Il a des faux airs d’Alain DELON. Après les salamalikoum d’usage, il ne cesse de répéter le mot : « Soher ». Qu’est-ce qu’il me veut donc avec son soher ? Il finit par repartir vers ses compagnons, assez dépité me semble-t-il. Je le vois discuter. L’un deux sort une sorte de corde bleu … et d’un coup cela fait « tilt » dans ma tête de cavalier. Sa corde bleue, cela doit être un licol, et le « soher », cela doit être mon visiteur matinal : le dromadaire ! Je saisi mon appareil photo et vais vers eux pour leur montrer la photo : oui, c’est bien cela le « Soher ». Je leur indique l’endroit où je l’ai vu et leur indique la direction qu’il a prise. Puis à tout hasard je prends mes jumelles pour faire un tour d’horizon. Au loin, il me semble distinguer une forme mouvante. Je leur indique. Ils sautent dans leur pick-up et disparaissent dans un nuage de poussière. Ma BA du jour effectué, je retourne à mon café et le déguste tranquillement accompagné de gâteaux secs. Puis j’entreprends de nettoyer le contenu de ma tente, et en particulier le duvet qu’il me faut essuyer avec un chiffon humide puis sécher. Une fois cette première tâche faite, j’entreprends de démonter mon système de freinage : j’ai une fuite au niveau du bac de liquide de frein. Je suis en plein démontage/nettoyage lorsque mon chercheur de soher réapparait dans son pick-up. Il s’est enfoncé une méchante épine dans l’articulation du majeur en chassant sa bestiole. Qu’à cela ne tienne, j’enlève ma casquette de mécano du dimanche et enfile celle d’infirmier improvisé. Armé d’une aiguille et d’une pince à épiler, j’arrive, non sans mal à la lui extraire. Un peu de Bétadine, un pansement et le tour est joué. Il en profite pour examiner mes affaires. Mon cahier de note l’intéresse plus particulièrement-il le feuillette consciencieusement avant de le ranger, là où il l’avait trouvé : ma sacoche latérale. Puis il repart. Je retourne donc à ma mécanique (le bol de liquide de frein que j’avais laissé en plan pour le soigner). Las, deux petits bergers apparaissent à leur tour et me demande de l’eau. Je leur en donne, ainsi que quelques biscuits et un jus de fruits chacun. On discute, enfin on essaye, et je fais quelques photos. Le pick-up réapparait : mon blessé revient accompagné de ses deux acolytes du matin. Les enfants leur disent que je les ai pris en photo. Du coup, tout le monde veut se faire photographier. Je vois, non sans quelques inquiétudes, les deux acolytes s’approcher, l’un armé d’une hachette, et l’autre de ce qui me semble être un long couteau recourbé.. qu’ils laissent tomber au sol pour la photo. On rit, on discute puis après une bonne heure, ils repartent non sans m’avoir fait comprendre de ne pas rester camper ici : c’est une zone inondable en cas de fortes pluies. C’est fou ce que l’on arrive à se comprendre malgré l’absence de langue commune en fait. Je peux enfin revenir à ma mécanique et il est presque midi lorsque enfin je suis prêt à partir. Pourtant je suis debout depuis 6h30 ! Je démarre. La moto semble ne marcher que sur un cylindre. Etant proche de la réserve, je me dis qu’elle doit manquer d’essence et j’ouvre le robinet. Je pars mais, pas de doute : elle tourne sur « une patte ». La poignée d’accélérateur, moins ferme que d’habitude me donne le diagnostic : lors du démontage/remontage du bac de liquide de frein, l’un des deux câbles d’accélérateur a du se débrancher. Qu’à cela ne tienne, il suffit de le re-démonter. Je m’arrête. J’ai fait moins de 1 km. Pour commencer, défaire mon paquetage afin de pouvoir enlever la selle sous laquelle se trouve les outils. Démonter la protection de poignée, puis le bac, remettre le câble d’accélérateur dans son logement (le diagnostic était bon J), remonter la protection, remettre le paquetage en place, enfiler le blouson, les gants, le casque. Contact… et là … plus de batterie : J’ai laissé les phares allumés le temps de mon démontage/remontage, et comme j’ai chargé plusieurs appareils durant la nuit, la batterie, un peu faiblarde me lâche. Descendre de la moto, la pousser jusqu’à la pente qui heureusement n’est pas trop loin, remonter en selle, prendre un peu de vitesse, enclencher la seconde… et c’est parti. Il est 13h30, cela fait 7 heures que je suis debout quand ENFIN je pars pour de bon… enfin presque. Quelques kilomètres plus loin, je m’arrête pour prendre de l’essence. Le pompiste m’explique (il parle anglais) qu’au Balûchistân, il est nécessaire d’avoir une carte spéciale pour acheter de l’essence, mesure prise par le gouvernement afin de lutter contre la contrebande d’essence avec le Pakistan tout proche. Mais on est en Iran et le problème est vite contourné. Le plein fait, je décide de m’arrêter manger un peu. Je ne tarde pas à être rejoint par mon pompiste. On commence à discuter …. Quelques réflexions philosophiques et tours de magie plus tard, je finis par repartir.. il est 16H. Le soleil se couche à 17H30….j’ai 1H30 de route devant moi avant de trouver un coin où camper….
3 Comments
C’est toujours un plaisir de te lire.
Merci j’adore.
Bonne route et à bientôt
Rien de tel qu’un grain de sable dans l’engrenage pour pimenter le quotidien. Mais à ce rythme là tu n’es pas arrivé à Islamabad…
Il s’enmerde pas le Senegaulois, je vois que tu arrives encore à avancer avec ta vieille grosse mobylette…à mon avis celle là finiras au fond du trou avec toi…alors profite et roule le plus longtemps et le plus loin possible…on a qu’une vie…biz ma loute.