Hommes et Femmes d'exception, Presse

Road Trip 43 – On l’appelait JUPITER

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Hello,

Petit post, pour signaler que je signe un article dans le Road Trip qui vient de paraitre. Bonne lecture aux curieux 😉

Article complet :

Le 6 octobre 1973, la guerre du Kippour était déclarée.  Le même jour à 6 heures du soir, le titulaire du passeport 535439A délivré à Londres par le Ministère des Affaires Etrangères partait au guidon de sa Triumph Tiger Hundred de 177 kg à vide. Dans l’édition du lendemain, Le Sunday Times titrait : « Marathon Motard –  Ted Simon a quitté hier l’Angleterre pour la première étape de son tour du monde à moto de 80 000 km… »

Ted Simon, le Voyage de Jupiter, la légende. Lorsque le rédacteur en chef de Road Trip m’a proposé d’écrire cet article j’ai accepté avec enthousiasme.  C’était pour moi l’occasion de lire ce livre devenu quasi introuvable, surtout en édition Française. C’était aussi l’opportunité de répondre à cette question qui m’avait toujours intriguée : Pourquoi Jupiter ?

La réponse se trouve au début du libre, à la page 36 pour être précis. Comme bien souvent dans un voyage, cela commence par un aléa du destin, un imprévu, un de ces événements qui vous semble anecdotique sur l’instant mais qui au final change votre vie. En l’occurrence, ce fut une erreur d’itinéraire qui l’emmenèrent loin de Calcutta. Comme un malheur n’arrive jamais seul, il se trouva à court de carburant quelque part vers Patna. Mais qu’importe le lieu, qu’importe même l’époque, hier comme aujourd’hui dans ces cas-là le voyageur se laisse porter par le destin. Ce jour-là, Ted a laissé sa moto « rouler sur l’herbe jusqu’à un arbre ombreux ». C’est important l’ombre quand il fait chaud.  Et puis, il a attendu. « Les secours viendrait, je n’en doutais pas » nous dit-il. Et les secours sont venus. C’est ainsi qu’il se retrouvât, quelques jours plus tard, invité à un mariage Rajput, une caste de guerrier. Des prostituées, le corps serré dans un sari, dansèrent devant lui une de ces danses hypnotiques dont les indiens ont le secret. La soirée était déjà bien avancée quand un voyant lui pris la main et lui dit : « Vous êtes Jupiter ».

De fait, le voyage de Ted Simon, commence bien avant ce fameux 6 octobre. L’année 1973 toute entière est consacrée à la préparation du voyage. Il lui faut tout d’abord apprendre à conduire une moto parce qu’aussi incroyable que cela puisse paraître Ted Simon n’est pas motard. Sous un prétexte journalistique quelconque, il réussit convaincre l’usine Yamaha, de lui prêter une moto 125 cc. Mais encore lui faut-il aller la récupérer. Et comment faire pour sortir d’une usine sur une moto, et ce sans tomber, alors même … que l’on n’a jamais conduit de moto ?  Il y arrive néanmoins et s’entraine d’arrache-pied. Malgré cela, il n’obtient le sésame tant convoité qu’à sa seconde sa seconde tentative. Le reste de sa préparation consiste à réunir le matériel qu’il pense indispensable et à imaginer un itinéraire en contemplant toutes les cartes qu’il a pu réunir. C’est donc un motard néophyte qui s’élance ce 6 octobre 1973 sur les routes du monde. Néophyte, il l’est à tout point de vue : il sait à peine conduire une moto, n’a jamais réellement voyagé et ne connaît rien de cet immense continent Africain qu’il s’apprête à affronter. Qu’à cela ne tienne, l’Afrique fera son initiation. Cela occupera toute l’année 1974.

Les premières difficultés sérieuses apparaissent en Egypte, alors en pleine guerre du Kippour. Est-ce alors son attitude trop candide, ou le fait qu’il essaye alors de photographier un sous-marin Russe ? Je l’ignore, mais toujours est-il qu’il se fait arrêter deux fois dans la même journée : on le prend pour un espion Israélien. Bien plus tard, au Brésil, il sera de nouveau pris pour un espion ce qui lui vaudra 12 jours de rétention. Quelques jours après sa libération, il embrasse la jeune et jolie interprète qui l’avait aidé à se faire comprendre durant sa détention. Syndrome de Stockholm ? Ou bien, preuve supplémentaire, s’il en fallait, que les pires galères sont bien souvent le prélude à des instants magiques ?

Un peu plus loin au Soudan, au Sud d’Atbara pour être précis, il apprend le désert, le sable, les galères, les chutes et la solidarité.  Il lui faut plus de trois heures pour parcourir à peine 80 km et c’est totalement déshydraté qu’il arrive dans une école perdue au milieu du désert. Il y trouve gite, couvert, et bonne compagnie. Il apprend la fraternité. D’ailleurs, n’est-il pas là pour cela ? Pour faire l’expérience de la fraternité ? « Il fallait que je vienne ici pour découvrir la véritable stature de l’homme ; ici devant cette cabane, sur ce banc de bois grossier… »

Plus au Sud, en Tanzanie, Ted connaît ce qu’il considère être son premier échec :

Il traverse la Tanzanie en trois jours seulement. Trois jours durant lesquels, il ne parle à aucun africain sauf pour acheter de l’essence. Il comprend alors que le voyage EST lenteur. Seule la lenteur permet d’apprécier les distances et la diversité de ce monde, seule la lenteur permet de croiser des regards et des sourires. La lenteur est gage d’intensité et de rencontres. Mais en Tanzanie, La route « trop directe, trop rapide, … l’éloignait trop du rythme lent de la population ».

Petit à petit, Ted le néophyte, Ted le pied-tendre s’aguerrit. Il n’est plus un simple voyageur, il devient voyage. L’action et la réflexion se lient intimement en lui et « la plupart des superfluités et des certitudes de l’Occident tombent à l’eau ». Il se prend de passion pour ce continent où « les problèmes sont, comme les oasis, des mirages qui s’évanouissent à votre approche ». Il en vient à se questionner sur l’ordre du monde, ses certitudes font place aux doutes. Il s’interroge sur les effets du tourisme de masse qui n’en est qu’à ses balbutiements. Il se questionne sur l’intérêt du projet de route traversant le continent Africain du Nord au Sud. « Tout ce qui voyage très loin et très vite n’a que peu de valeur, à commencer par le touriste ». Et de manière plus générale, il commence à percevoir ce que le monde ne percevra que des années plus tard : l’impact nocif de l’homme sur la Terre. Il développe également des capacités qu’il ne se connaissait pas, devenant apte à parler à des étrangers dès les premiers instants, comme s’il les avait toujours connus. Il apprend sur tout et n’importe quoi : les champignons, les pommes de terres, les choux, les nématodes dorés, les fermiers et les éléphants. Il veut comprendre le monde, et pour cela, il comprend qu’il ne peut y parvenir qu’en étant suffisamment vulnérable pour qu’il pût le transformer.

Après l’Afrique, le voyage se poursuit encore durant 3 années : 1975 – les Amériques, 1976 – l’Australie et 1977 – l’Asie.

Il revient en Angleterre avec la conviction que « la Vérité n’existe que dans la conscience humaine » et que chaque culture possède sa propre vérité : « Les Argentins ont coutume de tricher, les arabes montrent leurs émotions et cachent leurs femmes ; les australiens, eux, exhibent leurs femmes mais dissimulent leurs émotions. L’honnêteté est d’usage au Soudan. En Thaïlande, la malhonnêteté est normale, de même que le don de présents aux étrangers. »

Aujourd’hui, en 2017, le Voyage de Jupiter, est entré dans la légende. Il n’est plus simplement Ted Simon, désormais pour des générations de motard il est devenu, Jupiter, ce nom que lui a donné un voyant en Inde. Tel était sa destinée. Il a ouvert la route à des milliers de voyageurs qui par la suite, sont partis à la découverte du monde sur leur moto. Et tout comme Ted, ceux-ci ont fini par comprendre une vérité immuable sur le voyage. Voyager ce n’est pas aller quelque part. Voyager, c’est y aller. Ce sont toutes ces interruptions, ces galères, ces embûches qui, au final, « sont l’essence même d’un périple ». Hier comme aujourd’hui, voyager c’est accepter de faire face à son destin. Hier comme aujourd’hui, pour connaître le monde, il faut « le humer, le sentir sous ses pieds, il faut ramper. Il n’y a pas d’autre moyen…. C’est seulement alors que le monde est immense ».

Dans le prologue de l’édition de 2016, il ajoute même : « Malgré les merveilles de la technologie et de la communication, notre planète a toujours la même taille et, dans un endroit quelconque, quelque part à la surface de cette Terre pleine de couleur, il continue d’arriver des choses fascinantes et imprévisibles ».

Alors, faites comme moi, suivez le conseil de Jupiter : Voyagez !

Bibliographie :

  • Riding High, Jupitalia Productions, 1998 
    Il s’agit de la seconde partie du livre « le voyage de Jupiter », dans lequel l’auteur revient sur les évènements les plus marquants de son voyage.
  • The Gypsy in Me, Viking, 1997 
    Ted y relate ses recherches sur les racines de ses parents en Europe de l’Est. Ce voyage, essentiellement en transport public, entre Kaliningradet la Roumanie a eu lieu peu après les chutes des régimes communistes.

·       The River Stops Here: Saving Round Valley, A Pivotal Chapter in California’s Water Wars (2001)
Dans les années 80, Ted Simon a emménagé dans le nord de la Californie. Il s’est alors lancé dans l’agriculture biologique. Dans ce livre, il dénonce le projet fédéral visant à inonder la plus grande et la plus fertile vallée du comté de Mendocino pour envoyer de l’eau vers Los Angeles.

  • Dreaming of Jupiter, Sphere, 2007 
    Le récit du second voyage de Jupiter, entrepris en 2001 au guidon d’une BMW R80GS. L’itinéraire fut à peu près le même que celui fait lors de son premier périple et dura 3 ans.

·       Rolling Through The Isles: A Journey Back Down the Roads that led to Jupiter (2012)
Le récit d’un voyage spirituel de retour au passé. Après avoir traversé le monde deux fois, Ted revient aux îles britanniques pour retrouver le pays de sa jeunesse et nous livre portrait tout en tendresse de la Grande-Bretagne moderne.

 

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