Hommes et Femmes d'exception, Presse

Road Trip 44 – l’Homme qui dormait avec son casque

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Bonjour,

Je signe un nouvel article sur Nick Sanders dans le numéro Road Trip N°44 : “l’homme qui dormait avec son casque”

Pour ceux qui veulent lire : Le journal est disponible dans tous les bons kiosques à journaux et relais presse…;)

Article complet : 

Certains dorment tête nue. D’autres portent un bonnet de nuit. Nick lui, dort avec son casque. Pourquoi ? Parce que cela tient chaud tout simplement. C’est important de garder la tête au chaud la nuit dans le désert. Surtout lorsqu’on vise à battre le record de vitesse pour un tour du monde.

 

Nick Sanders, la légende. Dix passeports et une grosse dizaine de motos usés en 35 ans de globe-rider. Plus de 140 pays traversés, 750 000 km parcourus lors de neuf tours du monde et plusieurs pan-américas en deux roues[1]. Le palmarès laisse pantois le plus endurci des globe-trotters.

Mais qu’est ce qui fait rouler Nick ? Pourquoi tous ces exploits ? Quel est donc le but de ce stakhanoviste de la route ?

Pour comprendre Nick, il faut remonter à la fin des années 70. Sur sa Honda 90 CC, il rêve de deux choses : aller au Tibet et participer au Tour de France. C’est ce dernier rêve qu’il décide de concrétiser en premier. Pour ce faire, il intègre l’équipe La Redoute-Motobécane en tant que coureur professionnel. Il y restera 3 ans et obtiendra une 29ème place au Paris-Roubaix. C’est hélas insuffisant pour espérer faire partie de l’équipe du Tour de France.  Nick est un passionné et au fond de lui brule une flamme : celle de l’urgence de vivre. Il ne peut accepter la médiocrité. Il décide d’arrêter la compétition et se lance dans son second rêve : découvrir le monde en général et le Tibet en particulier. Mais Nick est un compétiteur né. Il décide donc de boucler ce tour du monde le plus rapidement possible. Il lui faudra 138 jours pour réussir ce premier exploit sur son vélo en 1981. Quatre ans plus tard, en 1985, il améliorera son propre record en bouclant un deuxième tour du monde en 79 jours, un de moins que Phileas Fogg, le héros de Jules Vernes.  Durant cette période, il pédale également jusqu’au sources du Nil, fait le tour de la Grande-Bretagne et entreprend sa première traversée du continent Américain. Ce sont les premières années, les années de la découverte du monde avec son lot d’émerveillement dont Nick ressort avec un sentiment de bonheur intense et un appétit de vivre encore décuplé. Et toujours ce désir profond de relever de nouveaux challenges, de faire ce que personne d’autre avant lui n’a fait. En 1992, il abandonne le vélo et se lance dans une traversée du continent Européen en péniche durant 7 mois. Il terminera sur les bords de la mer Noire.

1994 est une année de tristesse. Il divorce. Alors, pour oublier, il reprend la route au guidon d’une moto : une Enfield 500 cc. Il lui faudra 7 mois pour boucler un tour du monde de 61 000 km selon un itinéraire choisi avec son cœur comme à chaque fois du reste. Pas de record donc cette fois, mais plutôt la route comme traitement thérapeutique, comme viatique pour oublier cette cassure, cette douleur. Ce tour du monde ne manque pas d’épisodes cocasses, comme le jour où un éléphant défèque sur sa moto.

C’est l’époque où Triumph revient sur le devant de la scène avec des moteurs 3-cylindres. En 1996, la marque lui confie une Daytona 900 avec laquelle il entreprend sa quatrième tentative de tour du monde. Il tombe lourdement sur la route verglacée du col de Garibaldi non loin de Ushuaia. La cheville fracturée, il s’allonge dans la neige avec cette pensée : « Nick, tu n’es pas aussi bon que tu le pensais ». Il rejoint la civilisation sans assistance. A peine remis sur pieds, il améliore sa technique de pilotage et repart en 1997 au guidon de la même moto. Il boucle ce 4ème tour du monde de 32 070 km en seulement 31 jours et 20 heures. Cet exploit marque aussi le début de sa notoriété grâce à l’apparition d’un nouvel outil : Internet.

Dans les années 2000, il passe de Triumph à Yamaha. Mais surtout, il adopte comme monture une hypra-sportive : La Yamaha R1. Une moto plus taillée pour les circuits que les tours du monde. Mais cela correspond bien à la personnalité de Nick : faire ce que personne d’autre n’a fait avant lui, prouver que c’est possible. Il aura 4 de ces R1 avec lesquels il boucle 4 tours du monde entre 2002 et 2005, battant à chaque fois ses propres records, repoussant les limites. Lors de sa dernière tentative, il traverse 30 pays pour une distance de 31 556 km en seulement 19 jours et 3 heures. Ce n’est pas sans danger. De son propre aveu, « plus les records sont extrêmes, plus ils sont difficiles et dangereux. Il y a la vitesse bien sûr mais aussi la concentration nécessaire lors des étapes nocturnes, la gestion de la fatigue. Cela peut devenir une vraie torture, mais c’est le propre de l’extrême, je pense. » Le plus souvent, il dort près de sa moto, avec son casque. Des micro-siestes à l’instar des navigateurs solitaires. Il lui arrive d’ailleurs de se réveiller sans savoir où il est. Il lui faut alors quelques minutes pour se situer dans l’espace et dans le temps. Durant ces périodes, il adopte un régime alimentaire très réduit, sans caféine. Il est ainsi resté jusqu’à 27 heures en selle sans s’arrêter. Un extra-terrestre !

Les années 2010 marquent un double tournant. Il ne réalise plus de tour du monde mais des Pan-Américas, depuis l’Alaska jusqu’à la Terre de feu et il passe de l’hypra-sportive au Trail : la Yamaha XTZ 1200 super Ténéré avec laquelle il parcourt plus de 80 000 km en 4 mois pour la seule année 2011 ! Il avoue que la Ténéré est plus adaptée que la R1. Le débattement est plus grand, la moto est moins sensible à la position du pilote et puis surtout il y a ces grosses caisses aluminium qui lui permettent d’emmener sans risque le matériel vidéo nécessaire à l’enregistrement d’images de ses exploits. Parce que Nick, non content de battre des records, prend le temps de les filmer ! Cependant, il regrette le poids plume de la R1, tant il est vrai que les Trails modernes ont sans doute pris un peu trop d’embonpoint.

Au final qui est Nick ? Un homme ordinaire à la vie extraordinaire comme semble l’indiquer son dernier livre ? Oui peut-être, sans doute même. Mais également un homme complexe, qui n’est pas sans contradictions. Malgré ses exploits, il reste humble et s’interroge lui-même sur la finalité de ce qu’il a fait de sa vie. Sa plus grande peur est que sa famille ne le comprenne pas. Pourtant la réponse est simple : il veut être heureux et vivre ses rêves.

Nick est de la même trempe que tous ces conquérants de l’inutile, ces alpinistes ou ces plongeurs de l’extrême. Ce ne sont pas tant leurs records qui sont importants. D’ailleurs les records n’existent que pour être battus. Non c’est justement cet « inutile » qui fait la valeur de leurs vies. Nick apporte la preuve que l’on peut vivre ses rêves et même, plus encore, vivre de ses rêves. Ce sont les rêveurs qui changent le monde. Parce qu’ils rendent possible ce qui semble impossible. Chacun ses rêves. Celui de Nick était de faire des tours du monde le plus rapidement possible. Et il l’a fait.

Aujourd’hui, lui qui a parcouru cette Terre si souvent pour l’admirer, à l’instar de Don Pedro d’Alfaroubeira et de ses 4 dromadaires[2] avoue que le plus bel endroit qu’il connaisse sur cette planète est sa maison au côté de sa femme et de ses enfants. Alors, Nick est-il comme Candide qui au soir de sa vie recommandait de cultiver son jardin pour être heureux ? Ou bien est-il à l’image de ce mythe Mélanésien, selon lequel, « l’homme est tiraillé entre deux besoins, le besoin de la pirogue, c’est à dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’arbre, c’est à dire de l’enracinement, de l’identité. Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre, jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’arbre qu’on fabrique la pirogue. » ?

Il nous donne la réponse par ses actes, comme il l’a toujours fait. Dans quelques jours, il repart sur les routes pour une durée de 2 mois. L’attrait du voyage ne l’a pas quitté, cette flamme brule toujours en lui, la route l’appelle. L’ivresse des kilomètres l’attend et il le sait, il en a besoin. Comment fait-il pour continuer à près de 60 ans ? A cette question, il répond malicieusement : « Comment fait un vieil homme pour sauter une clôture ? … Il le fait tous les jours ». Alors Nick …  roule Nick, roule ! Enjoy buddy !

 

[1] 2 à vélo et 7 à moto

[2] « Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
Courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j’avais quatre dromadaires. »

Guillaume APOLLINAIRE

 

Les motos (ils les a toutes gardées sauf une) :

  • 1 Honda 90 cc (première moto)
  • 1 Ural Combo (la seule qui ait été vendue)
  • 1 MZ 250
  • 1 Triumph Speed Triples
  • 1 Triumph Thunderbird
  • 1 Triumph Daytona 900 (tour du monde en 31 jours)
  • 1 Triumph T595
  • 1 yamaha XT 660 (Side Car)
  • 4 Yamaha R1
  • 2 yamaha Super Ténérés
  • 1 Enfield Bullet
  • 1 Yamaha Tracer 700 (neuf)

 

Bibliographie

  • Sanders, Nick (1988). The great bike ride: around the world in 80 days. Ashford Press
  • Sanders, Nick (1989). Short Summer in South America. Ashford Press
  • Sanders, Nick (1999). Fastest Man Around the World. On the Road.
  • Sanders, Nick (2004). Loneliness of the Long Distance Biker. On the Road
  • Sanders, Nick (2005). Journey Beyond Reason. On the Road
  • Sanders, Nick (2006). Parallel Coast. On the Road
  • Sanders, Nick (2008). Parallel World. On the Road
  • The Extraordinary Life Of an Ordinary Man – Vol 1 – 1957 – 1990
  • The Extraordinary Life Of an Ordinary Man – Vol 1 – 1990 – 2008

 

Principaux voyages (impossible de faire la liste exhaustive)

 

 

Date

Quoi

Distance

Durée

Monture

1981

Tour du monde

 

138 jours

Vélo

1983

Raid jusqu’au source du Nil

 

 

Vélo

1984

Tour des côtes de la Grande-Bretagne  – record de vitesse

 

22 jours

Vélo

1985

Tour du monde – record de vitesse

 

79 jours

Vélo

1986

Manchester à Tombouctou (en traversant le désert)

 

 

Vélo

1990

Traversées des Amériques – Alaska/Terre de feu

 

 

 

1992

Du Pays noir (UK) à la Mer Noire en Péniche

 

7 mois

péniche

1994

Tour du Monde

61 000 km

7 mois

Enfield

1997

Tour du monde – record de vitesse

32 070 km

31 jours et 20h

Triumph Daytona

2002

Organisation d’un tour du monde avec autres 22 motards

33 000 miles

2 fois, tour du monde dans le meme annee

Yamaha R1

2004

Tour du monde

 

 

Yamaha R1

2005

Tour du monde – record de vitesse

 

19 jours 4 hueres

Yamaha R1

2012

Pan American Highway non Stop

47 000 km

46 jours

Super Ténéré

 

 

 

 

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