2023 - 2024 - Afrique

Bilan de la « Saison 1 »

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« L’Afrique c’est dur ».

Ces mots ont été prononcés par quelqu’un qui sait de quoi il parle : l’Afrique il y est né et y habite depuis toujours. A 40 ans environ, il a déjà connu plusieurs guerres.

« L’Afrique c’est dur ». 

Il prononce ces mots alors que je viens de lui annoncer la mort d’un ami d’enfance de son père, qui vit lui aussi depuis toujours en Afrique. L’ami en question était un voyageur comme moi, mais lui voyageait en 4X4. Il est mort au Cameroun. Seul dans son 4X4.  Dix jours avant à peine, un autre voyageur trouvait  la mort au Nigéria fauché par une voiture. Lui voyageait à vélo. Il était Argentin et avait 37 ans à peine. Je connaissais les deux. Deux morts en si peu de temps dans mes coreligionnaires de la route, c’est une – triste – première, dont je me serais bien passé. Quelques mois plus tôt, c’était un motard italien qui trouvait la mort en Angola. Celui-là, je ne l’avais pas rencontré. Ces derniers mois, j’ai également entendu parler de ce couple mort – oui les deux – quelque part en Afrique de l’Ouest. J’en ignore les circonstances exactes, mais ce que j’en avais lu m’avait fait penser à une intoxication alimentaire ou un empoisonnement. 

C’est l’occasion pour moi de tirer un premier bilan : comment est-ce de voyager en Afrique en 2024 ?

J’ai la chance d’avoir fait le tour de l’Afrique déjà une fois en 2003/2004. Seize mois d’un voyage éprouvant. J’en ai tiré un livre : « le bandana bleu, contes d’une promesse ». A l’époque j’avais voyagé en R100 GS.

Je suis en train de le refaire, cette fois au guidon d’une BMW 650 X challenge. Une moto enduro à la base. Plus légère que la première. Je vous expliquerai plus bas les raisons de ce choix.
J’avais 40 ans lors de ma première circumnavigation Africaine. J’en ai 62. 


Alors l’Afrique : plus facile maintenant ou avant ? La réponse n’est pas simple. 

Avant, lorsque l’on s’aventurait en Afrique, on avait que peu d’informations et juste des cartes routières. Lors de mon premier voyage, j’avais certes un GPS, mais sans aucune cartographie embarquée. Il ne m’indiquait que les villes. Par ailleurs, les routes – goudronnées – étaient encore rares. Une fois passé le Maroc, on était face au désert. L’actuelle route en Mauritanie date de 2004. Il fallait des guides et l’on passait en convoi. Dans les années 80/90, il n’y avait même pas de goudron dans la partie du Sahara occidental. Aujourd’hui, il y a une autoroute et de belles stations-service. Aller à Dakar n’a plus rien d’un exploit. J’ajouterai même : il est possible d’aller de France à Cape Town sans presque ne jamais sortir des routes goudronnées, certes, plus ou moins bonnes.  C’était de la science-fiction il  y a ne serait que 10 ou 15 ans. Par ailleurs, les applications ou l’on peut trouver toutes les informations nécessaires foisonnent sur les smartphones, à commencer par le célèbre IOverlander application devenue quasi aussi indispensable que le GPS désormais pour tout voyageur autour du monde. Et il faut reconnaître que c’est pratique. Il y a nombre de guest-houses également où l’on peut croiser et échanger avec d’autres voyageurs comme Claude ou Juan qui viennent de décéder. 

A contrario, lorsque j’ai traversé l’Afrique en 2003, je n’avais aucune information sur ce que j’allais trouver. L’ Angola, par exemple, sortait de guerre et les gens que j’y ai croisés me regardaient comme un extra-terrestre. Leur première surprise passée, il m’affublait d’un titre qui représentait la seule sorte de blanc susceptible de s’aventurer dans ces zones : PADRE ! Oui, on me prenait pour un prêtre. Je ne démentais pas, c’était un gage de sécurité. Et de fait, j’ai adoré l’Angola. Avant moi, je n’ai connaissance que de 5 personnes qui avaient traversé ce pays : Tanguy et sa compagne Daniela, mais qui eux remontaient vers le Nord.  Deux motards portugais qui voulaient aller de Luanda à Lisboa. Lors de notre rencontre, l’un d’eux était blessé. Et enfin Christophe, un motard français qui avait réalisé le tour de l’Afrique en 1998, traversant alors le la RDC et l’Angola en pleine guerre. Précision : je parle ici de la route Ouest qui était la plus complexe à l’époque. On trouvait pas mal de voyageurs descendant par la route Est, alors plus sécuritaire et connue.



La traversée de l’Afrique serait donc plus simple aujourd’hui ? 

En partie, mais il faut nuancer ce propos. Nombre de pays sont devenus impossibles pour l’Occidental, à fortiori les Français : Mali, Burkina et Niger par exemple.  Y aller c’est prendre le risque de passer quelques années en captivité dans l’attente du paiement d’une rançon.  Imaginez être un gros portefeuille sur patte chevauchant une moto. Vous attirerez les convoitises à coup sûr. Il faut donc passer par les pays côtiers. C’est déjà une autre Afrique, bien plus occidentale et pourvue – je l’ai déjà dit – de nombreuses routes goudronnées. C’est la voie empruntée par la majeure partie des voyageurs. Je vais être cash au risque de déplaire à certains : je la trouve particulièrement ennuyeuse. Un peu comme traverser l’Europe en autoroute. De surcroit, ces zones sont particulièrement polluées, à un niveau que vous auriez peine à imaginer et extrêmement dangereuses d’un point de vue routier. J’ai vu récemment une vidéo sur le compte de Capitaine Morgan, ou lui et Margaux étaient obligés de s’arrêter face à un camion qui avaient déboité en face d’eux. Ce genre de situation est très courante, et tout voyageur l’a affronté à maintes reprises. C’est vraiment mortellement dangereux. Sur ladite vidéo, Margaux adresse un magnifique doigt d’honneur, amplement mérité au camionneur. Ce faisant, elle s’est attiré les foudres d’un certain nombreux d’internautes bien-pensants les accusant d’une forme de néocolonialisme et d’arrogance occidentale. A ceux-là, je réponds : taisez-vous ! Vous n’avez aucune idée de ce dont vous parlez . Et dans la même situation vous auriez probablement eu quelques problèmes intestinaux, en admettant que vous surviviez. 


A la dangerosité routière accrue, il faut ajouter les tracasseries administratives qui se sont nettement … amplifiées. L’achat des visas est devenu un réel budget dans le voyage (comptez environ 1000 euros minimum pour traverser l’Afrique) et le passage des frontières une sinécure. Là, où l’on avait une cabane de berger en pierre et un tapis sur lequel s’asseoir en arrivant en Mauritanie, se trouve une série de bâtiment, déjà vétustes, de la reconnaissance faciale et numérique, une multitude de douaniers et un chaos innommable. C’est juste un exemple (Je ne méconnais pas les difficultés extrêmes pour un Africain d’aller en Europe. Je me place ici simplement du point de vue du voyageur et compare l’évolution en 20 ans). 



Alors la traversée de l’Afrique plus simple, mais plus dangereuse devenue presque  « chiante » ? 

J’aurai tendance à répondre : oui si l’on reste sur les grands axes. Mais Capitaine Morgan et Margaux qui viennent de revenir ont prouvé que l’aventure reste possible : il suffit de sortir de ces grands axes justement. Très vite, alors, on retrouve les pistes et les villages traditionnels – même si les smartphones sont désormais partout. C’est à mon avis, la meilleure option à qui veut découvrir l’Afrique dans ce qu’elle a de plus « authentique ». Par authentique, comprendre : traditionnelle. 



Cela impose de partir avec une moto plus légère qu’avant. La raison en est simple : avant on pouvait rester sur les axes principaux afin de rencontrer l’Afrique. Ceux-ci, certes parfois très dur, étaient tout de même entretenus : il fallait bien que les transports locaux, qui n’étaient pas tous des 4X4, puissent les emprunter. Les axes secondaires en revanche, ne sont pas toujours aussi « simple » . Donc pour parler moto : une 650 me paraît être le maximum. Même une 700 comme la T7 du Capitaine Morgan me paraît trop lourde. Après bien sûr tout dépend de votre niveau technique, de votre taille et.. De votre âge.  Morgan est jeune et grand. Perso, je suis plus petit et j’ai presque 30 ans de plus. Donc la 650 me paraît idéale.



En revanche, sortir de ces axes n’est pas sans risques également. J’ai personnellement passé 3 jours « encaserné » au nord du Togo (voir article précédent pour ceux ne l’ayant pas lu).  Les autorités locales m’ont suspecté d’être une sorte de mercenaire. La même mésaventure est également arrivée à un motard espagnol au Cameroun il y a moins de 3 mois. Ne parlant pas le français et ne pouvant s’expliquer, il a dû endurer 5 jours de cellule et son ambassade est intervenue pour le faire libérer. 



Alors ? L’Afrique, plus facile ou plus dure qu’avant ? Les deux mon capitaine. Différent à coup à sûr. Mais cela reste l’Afrique. Et c’est encore une terre d’aventure même si cela se réduit comme peau de chagrin. 

Pour ma part, après une pause de 3 mois en Occident, je retourne bientôt sur les routes et si tout se passe comme prévu, je ferai un bout de route avec une personne d’exception….

Saurez vous reconnaitre les photos de 2003 de celles de 2024 ?

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