La moto, Presse

Quelle moto choisir pour un tour du Monde ? Retour d’expérience.


Voici un article que j’ai signé dans le deuxième numéro de Globe Rider Magazine. Pour rappel, j’écris désormais pour ce magazine tout récent.

S’il est une question qui revient souvent sur les réseaux, c’est bien celle du choix de la moto pour voyager. Dans les lignes qui suivent, je vais vous parler de mon expérience et essayer de vous apporter quelques éléments de réflexion.

J’ai réalisé deux grands voyages de 16 mois chacun. Le premier fut le tour de l’Afrique en 2003/2004. Le second m’a amené en Asie en 2018/2019. A l’heure où j’écris ces lignes, je suis en Sierra Leone pour mon second tour d’Afrique commencé il y a un an déjà. Je pense pouvoir prétendre avoir une certaine expérience. Ce qui ne veut pas dire que je détiens LA vérité. De fait, il n’y a aucune vérité. Juste des choix à faire en fonction de ses attentes. Cependant, je pense que les lignes qui suivent traduisent assez bien la pensée de la plupart des grands voyageurs qu’il m’a été donné de rencontrer. Par grand voyageur, j’entends ceux qui ont passé plus de 1 an sur la route. 

Premier postulat : il est possible de voyager avec à peu près n’importe quel type de machine.
 Sjaak Lucassen a réalisé un tour du monde de 5 ans avec une hyper sportive : une Yamaha R1. Juvena, qui se fait appeler « the wandering wasp » a voyagé durant 3 ans de Singapour jusqu’en Europe avec une Vespa. Un couple d’Australiens, les Forwood ont effectué le plus long voyage jamais réalisé, à ma connaissance sur une moto – un périple de 16 ans, tous les pays du monde certains plusieurs fois, et à peu près 500 000 km – à deux sur une Harley-Davidson. Plus récemment, j’ai voyagé durant 8 mois avec Baptiste qui lui avait choisi une DRZ 400. 

Donc oui, TOUTES les motos permettent de voyager, mais, parce qu’il y a un mais, certaines plus que d’autres. Alors, quitte à en choisir une, autant prendre la moto la plus adaptée … au voyage que vous envisagez. 


Et là, vient le deuxième postulat, apparemment contradictoire avec le premier : 

une moto idéale pour voyager en Europe sera sans doute moins adaptée à une traversée de l’Afrique. Et inversement. Du reste, même en Afrique qu’il est désormais presque possible de traverser sans quitter les routes goudronnées – j’ai dit presque – votre voyage sera sans doute très différent selon la moto choisie. 



Enfin et ce sera le troisième postulat, peut-être moins intuitif : pour une même destination – forcément lointaine dans le cadre de cette réflexion –  la moto « idéale » ne sera pas la même selon le temps que vous comptez consacrer à ce road trip. 

Par exemple, si votre destination est le Sénégal et ne disposez que de deux mois ou trois mois, des motos relativement puissantes et récentes seront à privilégier afin de couvrir en un minimum de temps et un maximum de confort les longues étapes assez mornes qui vous attendent dans certaines parties du Sahara occidental. Une fois sur place en revanche, ces motos seront inappropriées à la découverte de l’arrière-pays composé de pistes assez sablonneuse. Le recours à des motos légères de location sera alors la meilleure option. C’est la solution qui a été adoptée par deux amis, Bruno et Joe, lors de leur voyage en début d’année jusqu’au Sénégal sur une période de 2 mois. 



Donc les premières questions que vous devez vous poser avant de choisir une moto sont : où ai-je envie d’aller ? Dans quelles conditions et pour combien de temps ? Et bien entendu : quel est mon budget. 




Arrivé à ce stade de mon exposé, je vais vous donner les 8 critères qui m’apparaissent importants pour le choix d’une moto à des fins de voyage au long cours :

•      La valeur vénale de votre monture.
Si vous prévoyez d’aller dans des pays où le CPD (carnet de passage en douane) est requis, il vaut mieux que la valeur vénale officielle de votre véhicule soit la plus basse possible. Selon les pays dans lesquels vous désirez vous rendre, il vous faudra déposer entre 100% et 250% de la valeur de votre moto en caution auprès de l’Automobile club. Cela peut vite chiffrer. Et en cas de vol de la moto, vous risquez que cette caution ne vous soit pas rendue.

•      La fiabilité
C’est un peu enfoncer une porte ouverte, mais il est important de le souligner. Les contraintes auxquelles votre machine va être soumise pourront être extrêmes. La question de sa fiabilité est donc primordiale.

•      La disponibilité des pièces : 
La machine la plus fiable finira tôt ou tard par tomber en panne, il est donc essentiel de pouvoir trouver des pièces détachées le plus facilement possible. Cela vous évitera à la fois de longues attentes et de couteux frais d’expédition ainsi que de frais douanier pouvant parfois dépasser les 100% du coût déclaré.

•      La facilité de réparation et maintenance.
Corollaire au point précédent, le véhicule doit pouvoir être réparé sur le bord de la route si nécessaire et à tous le moins par n’importe quel – bon – mécanicien.

•     La capacité de chargement.
Même en réduisant l’équipement au strict minimum, vous serez chargé. Si le modèle choisi apparaît limité sur ce point, il faudra prévoir d’effectuer les modifications adéquates lors de la phase de préparation. Cela a été le cas pour ma X Challenge pour laquelle j’ai remplacé la boucle arrière en alu par une en acier.

•      La consommation d’essence.
Moins elle consomme, plus le réservoir sera petit et moins vous aurez de poids. Une consommation de 4 l/100 m’apparaît être le maximum à cibler. En outre, cela permet des économies substantielles, ce qui n’est pas négligeable.

•      Last but not least : le poids !
Et sur ce dernier point, je serai assez catégorique : « light is beautiful ». Même s’il est vrai que globalement les infrastructures routières se sont drastiquement améliorées un peu partout ces dernières années, lors d’un tour du monde, vous serez obligatoirement amené à pratiquer des routes et pistes difficiles. Et dans ces moments-là, vous maudirez les constructeurs qui depuis des années ne pensent qu’à ajouter des cm3 et donc des kilogrammes aux machines. Par ailleurs, et même s’il est possible de parcourir le monde sur de grosses cylindrées – du fait même de l’amélioration dudit réseau routier – il est un point dont vous devez être conscience : l’utilisation de telles machines vous dissuadera très vite de sortir des axes principaux  afin d’aller explorer les coins les plus reculés de la planète. Votre voyage n’aura alors ni la saveur ni l’intensité qu’il aurait pu avoir si vous aviez eu une petite ou moyenne cylindrée. Didier et Nelly – les « 2nomadesamoto » qui sont sur la route depuis maintenant 6 ans sont partis avec des 1200 GS qu’ils ont revendus après un an de périple seulement.  « Erreur de débutant » comme me l’a dit Nelly alors qu’elle était en train de charger sa « petite » 300 cc avec laquelle elle voyage désormais. Selon Didier, son mari, voyager avec une petite moto présente également les avantages suivants : 

  • La discrétion. De fait, s’il est une chose que l’on ne veut pas faire en voyage est de trop attirer l’attention. Et il est souvent souhaitable d’éviter tout signe extérieur de richesse. Voyager avec une grosse cylindrée risque d’attirer plus l’attention, voire la convoitise.
  • Un budget moindre. En termes d’achat bien entendu mais également en termes de fonctionnement opérationnel : consommation, maintenance mais aussi frais d’expédition par avion le cas échéant lors de changement de continent (le fret aérien est calculé en fonction du poids volumétrique). C’est autant d’argent en plus à consacrer au voyage à proprement parler.
  • Il est plus facile de les charger dans un pick-up si nécessaire, voire de les charger dans une pirogue, situation qui ne manquera pas de se produire si vous vous écartez des axes principaux.
  • Enfin… en cas de vol, les regrets sont moins intenses !

Pour ma part, lors de mes premiers voyages, je roulais sur une BMW R100 GS dont le poids à vide est de 210 kg. Désormais, je roule sur une BMW 650 X Challenge de 145 kg. La première consommait environ 6l au cent et son réservoir était de 43 litres. La seconde moins de 4 l/100 et j’y ai installé un réservoir de 26 litres. J’ai donc à peu près la même autonomie sur les deux machines avec 17 litres d’essence en moins. Outre l’aspect purement financier, cela fait près de 15 kg de moins. Au total, le gain en poids est donc d’environ 80 kg tout pleins faits. Seul sur une piste isolée, cela fait toute la différence, croyez-moi.  Et 650 CC m’offre une puissance largement suffisante pour un tour du monde. Certes, sur bonne route, je fais des étapes bien moindres qu’avec une grosse machine, mais qu’importe : j’ai le temps. Et une vitesse réduite diminue à la fois le risque d’accident – j’ai percuté un mouton pas plus tard que la semaine dernière –  et la consommation de pneus, denrée encore difficile à trouver dans certaines zones. 

Libre à vous d’ajouter tous les critères qui vous semblent importants. Pour certains cela sera, par exemple, la capacité à rouler à deux. C’est le cas de Vins et Nath de « TAKEMEANYWHERE » qui voyagent à deux sur leur moto depuis plus de 3 ans.



Au final, il est important de définir vos propres critères en fonction de vos envies et objectifs ainsi bien sûr de votre … physique ! J’avoue avoir été assez dubitatif en contemplant l’énorme moto d’un espagnol, plutôt gringalet, rencontré récemment. Je pense que la moto tout chargement fait, devait peser 4 à 5 fois son poids. Je ne suis pas certain qu’il arrive à Cape Town.  A l’inverse, une petite 250 cc ne vous conviendra sans doute pas si vous faites 1m95 même si j’ai déjà rencontré des géants effectuant un tour du monde en 250 cc.

En conclusion, et comme je l’ai dit plus haut, je ne détiens pas la vérité et la moto que vous choisirez ne peut dépendre que de vous et de ce que vous prévoyez de faire. Il est évident que si vous prévoyez un voyage en Europe ou en Amérique du Nord les critères de choix seront différents. Il vous faudra alors plutôt une moto confortable permettant de parcourir de longues distances avec un minimum de fatigue. De même, pour un voyage sur les routes de la soie sur une période assez limitée, une moto permettant de couvrir les étapes de liaisons nécessaires pour se rendre en Asie centrale le plus rapidement possible est sans doute préférable. Mais il faut être conscient que cela se fera au détriment de l’agrément et de la facilité de pilotage une fois rendu sur place et sur certains itinéraires comportant de l’off-road assez « engagé ». Enfin, si je puis me permettre un dernier conseil, si vous partez à deux, prenez le même modèle. Cela permet de diminuer la quantité des pièces détachées à emporter. Et le plus important enfin : « have fun ». 

Photos :
Les deux nomades à moto et leurs CRF 300
Alex – LostwithPurpose avec sa moto Meri Jaan (My life en Urdu), une Suzuki DR 650.
Juvena – The Wandering Wasp et son scooter
Jerome un ami et son Africa Twin
Sjaak the World et Florentina sa Yamaha R1
Edi, le bosniaque et sa X Challenge
Maral l’iranienne et sa 850 GS
Les Frères Omidvar lors de leur tour du Monde de 10 ans à partir de 1954
Luc Cotterelle – Le Grand Raid(e) et sa 1150 GS
Theresa Wallack et Florence Blenkiron – The Rugged Road sur une Panther 600
Ron Fellowes et son improbable moto de 102 ans lors de son périple.
Et quelques photos de moi-même sur Utopia (R100 GS) et LadyPink (G 650 X Challenge )

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